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Carrières sur Seine, 78, France

samedi 8 mars 2008

Notes de voyage en Tunisie







Vol Tunisair TU 731 Paris Orly Monastir Habib Bourguiba 21 0ctobre 2005

Le salut fugace d’une étoile filante à Sousse à 4h10, à l’annonce du jeûne, puis le même soir à La Chebba, et plus tard dans le ciel de Tataouine

Le parfum du jasmin dans le jardin de Samia

Les senteurs d’épices et d’encens auxquelles se mêlent l’odeur du mélange à trois temps des mobylettes du souk

Le parfum poivré qui flotte dans l’air tiède

La caresse d’une brise chaude à Monastir, à la descente de l’avion

Le spectacle des bergères couchées dans la poussière de Moknine

Les tapis de piments rouges étalés sur le seuil des maisons

L’odeur de la chicha

Le chant des coqs, le hurlement des chiens dès le milieu de la nuit

L’immensité de la nuit étoilée

Le rat qui se faufile dans la cour d’Ali. Trois soirs plus tard, le même, en sens inverse

Le sourire de Sheima qui me montre ses cahiers d’école

Le murmure des ouvriers d’à côté qui viennent tour à tour prier dans le jardin

L’équilibre miraculeux de ce petit garçon que son père porte dans les bras sur son vélo dans le dédale de la circulation

La sandale qui menace de tomber à chaque tour de roue du pied des conducteurs de charrettes à âne : elle ne tombe jamais ! Le Maghreb est le paradis des sandales.

Les lauriers parfumés qui défleurissent paresseusement

Les troncs chaulés des ficus et les grands caoutchoucs qui bordent les avenues

L’or bleu de la mer

La maison d’à côté : les ouvriers travaillent sans bruit, sans machine, sans échanger un seul mot : le silence total.

Le grand- duc tout blanc qui vole en silence d’arbre en arbre

Toufik me montre à quoi il jouait, enfant : manger une grenade sans qu’aucun grain ne tombe sur la table – et ça marche ! Mais pas pour moi.

Je ne parle guère aux ouvriers. J’échange avec eux un grand geste lorsque je longe la maison en construction sur le chemin de sable qui mène à la plage.

Les quatre frères d’Habib prennent soin de moi : ils viennent chaque jour à tour de rôle voir si je suis encore vivant.

Les moutons qui paissent le long de la plage, les agneaux : le berger les dirige en leur lançant quelques pierres.

Au Sihr : quatre jeunes gens ont trouvé un énorme thon échoué sur le sable. Ils tentent de le ramener en introduisant une tige de métal à travers les branchies. Finalement l’un d’entre eux le saisit par les ouies et le porte avec peine sur la route où il le dépose devant un camion.

Rupture du jeûne! Samia appelle dans le jardin et tout le monde se presse autour de la table.

J’ai trouvé mon rythme : levé tôt, entre 5 et 6 h pour le dernier repas de la nuit. Longs moments de traduction de l’ouvrage sur l’islam, stations au soleil sur le toit de la maison, bains de mer, promenades. La rupture du jeûne a lieu vers 17h15. Je rentre à la nuit par le centre ville.

Les deux jumeaux (l’un est sourd, l’autre muet) ne tiennent plus leur café de la Criée. Le café des Psaumes de la rue des Rosiers a fermé également. Il reste donc, dans l’ordre de préférence, le café Slavia de Prague, le café des Nattes de Sidi Bou Saïd, le café du Pont de Mostar, Bosnie et Herzégovine, le café de la porte Bâb el Diwân, dans la médina de Sfax.

L’oncle Moustafa s’étonne devant ses neveux du peu que je lui achète : du café aux pois chiches, du lait fermenté et de l’eau en bouteille.

Le père de Sana ne porte que le sarouel et par-dessus la longue blouse grise qu’arborent tous les vieux, avec la chéchia.

Un papillon blanc presque invisible parmi les fleurs blanches des bougainvilliers

Je fais la sadaqa, l’aumône aux pauvres, chaque fois que j’en ai l’occasion, c’est-à-dire partout dans le centre du village. J’ai l’impression que le geste est apprécié de ceux qui me dévisageaient jusque là curieusement comme le seul touriste.

Il est 15 h. Le bain m’a creusé. Djamel est venu me voir pour me donner l’heure de la fin du jeûne. Je mangerai chez Ali. Encore 2 h 15 ! Il n’y a rien dans la maison. J’ai faim. J’ai découvert des bières dans le placard de l’évier. Je résiste. Je reviens à la traduction : j’en suis au chapitre sur le jeûne. Foutu ramadan !

Sur mon vélo de course : Jacques Anquetil / Made in France peint en gros sur le cadre orange. Toufik a relevé le guidon comme nous faisions avec mon frère dans les années 70. Je double toutes les mobylettes poussives des pêcheurs : supériorité du muscle et de la technologie français.

Demain, hammam et barbier

Rupture du jeûne : à la télévision, l’image montre un Coran ouvert. Les sourates défilent rapidement de gauche à droite. Une voix les psalmodie. En surimpression, une source entre deux rochers, le vent dans les palmiers, un coucher de soleil sur les dunes du désert, des canards sur l’eau avec reflets de lumière dans leur sillage…Le monde est pur et beau comme sur les images du calendrier des PTT. Le fils d’Ali psalmodie devant l’écran avec quelques mots de retard. Allahu Akbar !

Rupture de jeûne : Fatma et Samira ont préparé le repas toute l’après-midi : dattes fourrées au beurre, café, chorba, couscous, kessra toute chaude, dorades et sardines ou mulets, salades, briks, plat de pommes de terre et poivrons, poires, melon jaune, oranges du Cap Bon. Pour finir, du thé à la menthe. Puis des pâtisseries : makrouts, doigts de Fatma, oreilles du juge. On termine avec un grand bol de grains de grenade servis à la louche d’un plat profond : grenades de Gabès aux reflets roses, rouges, grains translucides qui craquent sous la dent.

Rencontré dans la rue le barbier qui me rasait l’été 2003. Il me reconnaît et me salue. Il avait dans sa boutique de nombreux oiseaux en cage ainsi que les portraits de Saddam et de ses deux fils jumeaux, Houssaï et Koussaï. Il me rasait avec une grande lame et je regrettais déjà mon geste téméraire à peine entré dans son échoppe.

Des arabes partout, à tous les coins de rue. Mais que fait Sarkozy ?

Sheima n’arrive pas à prononcer Jean Pierre : je suis et je reste le « Françaouis ».

Rencontré Hamida dans la rue. Elle tient dans ses bras son bébé de six semaines :
Adam (on prononce Edem). Elle nous invite dès l’arrivée d’Isabelle. Ses frères Mohammed et Fodel sont mariés. Reste Abd el Jelil, pour Camille ?

Les programmes de la télévision tunisienne sont affligeants : les mêmes que chez nous, mais en arabe : Qui veut gagner des millions (de dinars), etc.

Circulation : vélos, mobylettes, voitures, camions, charrettes, ânes, mulets ; tout le monde roule à contre sens. Le contre sens permet d’éviter l’accident : je roule donc à contre sens.

Longue conversation avec Samia qui porte le voile depuis quelques mois. La douceur de son islam…

Les Izuzu : des moteurs japonais, fabrication Maghreb ; vaste plateau à l’arrière. On y entasse tout : les vaches, les moutons, les déménagements, les familles, les dromadaires, les légumes du souk, les contrefaçons de Nike et de Puma, les musiciens des mariages, les ânes, les moutons, les grenades et les dattes ou les filets des pêcheurs…Izuzu des villes, Izuzu des champs, du désert, des ports et des oasis…

Les beaux yeux de Fatma, sa coiffure style après-guerre et sa voix très douce. Quand leurs maris ne sont pas là, Fatma et Samira me parlent en français.
Kahouira sans henné ni sur les pieds ni sur les mains, toujours en train de rire

Promenade en bord de mer, la nuit. Les étoiles se confondent avec les phares des bateaux de pêche au large. Au loin, les lumières des grands hôtels de Mahdia, comme une guirlande tendue sur les eaux.

La progression des cinq piliers de l’islam : passage de l’individu à la communauté. La profession de foi individuelle (schehâda), la prière rituelle (salât), l’aumône qui relie aux autres et compense les injustices sociales (sadaqa), le jeûne qui réunit et purifie tous les croyants dans le même temps (saum), le pèlerinage qui les rassemble dans le même espace (hadjdj).

Rupture du jeûne : dîner chez Nadra. Menu désormais habituel.

Kahouira me propose de marier Asma à Thomas. Je lui dis en riant que je suis d’accord. Asma semble avoir d’autres projets. Et Thomas ?

Sur la route du bourg : un mulet noir est attaché avec une corde à un palmier. La longueur de la corde nouée à un genou lui permet de se poster au milieu de la chaussée. Lorsqu’on arrive de la mer, le soleil déjà bas dans le ciel est si fort qu’on ne distingue rien, et surtout pas la corde. Cependant, aucune voiture, aucun vélo ne se laisse prendre au piège : chacun connaît le danger et contourne l’obstacle.

Tous les jours, à la même heure, au coucher du soleil, un berger rentre ses moutons en passant par le village. Il est affamé et consulte sans cesse sa montre.

Oussama est le plus bel enfant qu’on puisse imaginer.

Nesrine se marie les 2, 3 et 4 août prochains. Nous sommes invités.

Aux urgences de l’hôpital Je suis nu comme un ver devant une femme voilée de haut en bas : expérience nouvelle. Elle m’examine et ne voit rien. Moi non plus d’ailleurs : la pièce est sombre, la lumière est éteinte... Elle finit par me renvoyer avec une poudre désinfectante que j’achète à la pharmacie à côté de la mosquée. Je rentre en priant Allah que tout aille bien.

Vu dans la même journée : Mohammed, le jeune papa, qui m’embrasse comme un frère, avec son air de bon chien, un peu plus loin Hayet, sa sœur, et plus tard Kiria, leur mère qui file la laine devant sa porte.

Dans la nuit : l’ouvrier qui loge dans le garage est installé sur le sol de ciment et lit le Coran. Il bute sur certains mots, qu’il relit plusieurs fois. La mélodie très douce reprend, plus haute, en début de chaque nouveau verset.

Samia distille de l’eau de rose et de fleurs d’oranger qu’elle me fait respirer : parfums d’Arabie…

Chez le barbier : la boutique de Ben Slimane est décorée d’images défraîchies : Vanessa Paradis, Bob Marley, le président Ben Ali, Neuschwanstein, le château de Louis II de Bavière. Sur une étagère, entre les deux miroirs, une tour Eiffel en coquillages vernis. L’artiste a poussé le vice à capitonner la face intérieure des piliers avec un coton jaune clair. Des éponges de mer et une queue de thon séchée, comme dans toutes les Izuzu. Je n’ai jamais été rasé d’aussi près : le luxe, pour deux dinars.

« Ich bin ein Magréhbin » John Fitzgerald Kennedy, Berlin, 1963

Nous sommes le vingt-et-unième jour du mois de Ramadan de l’an 1409. Rien de plus simple que de convertir une date de l’ère hégirienne en année chrétienne : on divise la date par 30 puis on multiplie le quotient par 10.631, on additionne au produit le nombre de jours déjà écoulés de l’année en question ainsi que les 227.016 jours qui séparent le début de l’ère chrétienne de l’Hégire, on divise la somme obtenue par 146, on termine en multipliant le résultat par 4. A proposer à Danielle Burlotte pour le calcul mental. Les internautes moins doués consultent le site: http://www.ori.unizh.ch/hegira.html !

Sur la plage : le vent est tombé et la mer est si transparente que je vois les poissons filer sous mes pieds. L’eau est aussi claire que lors de ce bain de l’été de la canicule – nous étions restés une après-midi presque entière dans l’eau, jusqu’au coucher du soleil, Carine, Isabelle, Haimed et moi. J’aperçois Sana au moment précis où j’apprécie le plus ma solitude dorée. Elle m’annonce qu’elle vient par hasard mais je soupçonne qu’elle avait envie de me voir. Elle nage plus loin que ma peur des monstres marins ne me l’autorise.

Rupture du jeûne avec Hammadi, sa femme, sa fille et son fils Nour devant les programmes d’Al Jesira : l’attaque d’un tank US à Kerbela. Arrivent les deux ouvriers qu’Hammadi a consignés : ils doivent rattraper dans la nuit le temps perdu ce matin. L’un deux me montre et m’apprend comment tailler le marbre et polir les plaques. Le travail terminé, elles ont la couleur des sables du désert. La plaque de marbre que j’ai polie recouvrira une marche de la mosquée.

Le soleil est toujours très chaud, l’air tiède.

L’alphabet arabe a 29 lettres dont certaines solaires et d’autres lunaires : les lettres solaires assimilent le l de l’article qui les précède (al schams, le soleil, devient asch-schams) tandis que les lettres lunaires en début de mot sont sans influence sur lui (al qamar, la lune, reste al-qamar).

Sur la route de Sfax : le fait d’être assis par terre, sur le sol, le ciment, le bitume, la poussière, la terre, le trottoir des cafés, le seuil des échoppes. Je cite de mémoire ce qu’écrit Saint-John Perse dans Amitié du Prince : «Lorsque les hommes en voyage discutent des choses de l’esprit, adossés à de très hautes jarres… » Il y a dans cette station accroupie ou assise un des secrets de la culture arabe et orientale, un geste majeur d’une simplicité extrême.

Croisé rue Koweït, en sortant de la poste, un garçon dont le T-shirt noir délavé porte l’inscription : « Truth in the victims of Bosnia ! »

La rue qui jouxte la mosquée a pour nom rue de la Mousquée.

La frénésie au souk devant la criée est à son comble vers 17h15, le temps des derniers achats avant la rupture du jeûne. Bousculade, cris, retrouvailles, mobylettes dans la foule comme un coin dans un arbre. L’ambiance va crescendo jusqu’aux dernières minutes du jeûne, les marchands remisent leur étalage et les rideaux des boutiques se baissent déjà que les clients continuent d’acheter. Ce vent de folie s’évanouit à 17h31 lorsque retentit du haut des trois mosquées l’annonce de la fin du jeûne. La rue est soudain déserte, en un instant : ville morte.

Safsari : les femmes se couvrent pour sortir de cette grande pièce de soie jaune paille, la même de Bizerte à Tozeur, qui donne à toutes ce même air de mystère qu’Edouard Boubat a su traduire dans ses clichés de femmes sur le port d’Alger ; les deux extrémités supérieures du voile sont maintenues serrées dans la mâchoire.

Lorsque la vie a repris, j’accompagne Fatma chez le boulanger. Nous lui apportons trois immenses plateaux de pâtisseries préparées pour l’Aïd. Le sol devant les fours est jonché de plateaux ronds et rectangulaires garnis des mêmes pâtisseries qui attendent leur tour d’être cuites. Les plateaux déjà prêts s’entassent dehors, sur le trottoir et jusque sur le bitume.

Un de mes livres d’enfant : Bim le petit âne, avec de magnifiques photographies en noir et blanc. L’histoire, très belle, se passait forcément en Tunisie. Je l’ai revu au printemps à Avignon chez un bouquiniste de la Place des Corps Saints mais je n’ai pas voulu l’acheter, comme si je ne voulais pas rouvrir les pages de mon enfance. Je crois que j’ai eu tort.

Les écoliers ont une semaine de vacances. Oussama m’a rendu visite : il aura douze ans demain et il est très fier de faire sa première semaine de jeûne à cette occasion. Il espère qu’Isabelle fera elle aussi le Ramadan.

Sur la route de Monastir, vers l’aéroport où m’attend Isabelle : je prends en stop deux jeunes qui se rendent à Sousse pour la coupe d’Afrique. Echange de numéros de téléphone : il faudra se féliciter à l’occasion de l’Aïd. (Riadh Dhaou 97 815 588)

Toufik et Hamadi ont gravé en noir une sourate du Coran sur une plaque de marbre couleur sable. J’imagine en faire un bureau. J’apprends plus tard que le marbre est destiné à recouvrir une tombe.

Dans quelle autre civilisation la voix humaine chante-t-elle cinq fois par jour pour louer Dieu ? Et depuis quatorze siècles ?

Le cimetière islamique de Mahdia : des milliers de tombes blanches au bord de la mer, comme des mouettes sur un rocher.

Vers le sud : la chaleur augmente au fur et à mesure que nous descendons sur la route de Tripoli. Assis à l’ombre des grands eucalyptus, les petits marchands proposent aux voyageurs des poissons, des grenades et des bidons d’essence de contrebande qu’ils trafiquent depuis la Libye.

Ksour et ghorfas : leurs anciennes portes de bois de palmier et d’olivier que le temps et le soleil ont blanchis et qui ne s’ouvrent plus que sur l’absence.

Acheté au souk de Tataouine des gâteaux à la farine de pois chiches et de sorgho, très secs, et du « sang », le mélange traditionnel de poudres odorantes.

Une autre étoile filante glisse lentement dans le ciel si pur.

Les villages berbères ont la teinte ocre et la matière de la roche qui les rendent invisibles aux envahisseurs. A Toujène, on ne distingue Toujène qu’à grand peine. Le labyrinthe que dessinent les ruelles du village de Tamezret retarde la progression de l’ennemi. Quant aux fumées des foyers, un système progressif de filtration à travers les pierres des habitations plus hautes les débarrasse de la matière qui les colore : elles ressortent invisibles à travers les terrasses des maisons supérieures.

Sur la piste du Sahara : le paysage halluciné de Matmata où l’on dit que les vivants vivent sous les morts s’adoucit peu à peu jusqu’à Douze où nous arrivons lorsque le soleil se couche derrière les premières dunes.

Sur la piste vers Douze : « Attention camels crossing »

Avoir 50 ans en ces lieux : au moment où nous captons les messages de Thomas et Camille, un pasteur déploie son troupeau de chèvres dans une petite oasis. Image biblique.

Le drapé des tissus et des chèches donne au plus misérable la dignité d’un prince.

Le jeune serveur du restaurant bédouin de Douze a perdu son oncle ce matin à 4h. Le corps reposait en terre dès la fin de la matinée.

Désert, soleil levant : la lumière perce difficilement la brume qui monte de la palmeraie. Sur les dunes, un arc en ciel blanc dessine la porte du désert.

Retrouvailles avec Moktar à Toujène. Année difficile : son fils de trois mois est mort ; si la « goudronnée » a désenclavé Toujène, la route ne passe plus par le moulin à huile où il vendait les kilims berbères que tisse son épouse. Sa femme et sa mère posent devant mon objectif. La mère porte encore le tatouage tribal sur le front et le menton que Bourguiba avait interdit aux femmes. Il nous invite à dormir chez lui mais nous reprenons la route vers le désert. On se reverra.

Zinedine Ben Ali se frotte les mains, l’air satisfait, sur les milliers d’affiches qui annoncent la commémoration de sa prise de pouvoir du 7 novembre. Le message est clair : « Je vous encule ! ».

La pharmacie du désert : on y vend quantités de plantes séchées, de l’encens ainsi que des caméléons, des serpents et des oiseaux desséchés pendus le long d’un fil tendu en travers de la boutique.

Entre ailleurs et nulle part : le café Tarzan ! Nous y buvons un thé à la menthe assis sur des nattes.

La récolte des dattes dans les palmeraies

La possibilité d’une oasis : elle est inscrite dans ma mémoire comme une évidence. Le premier pas dans une oasis éveille des souvenirs de nulle part et de toujours puisque nous portons l’oasis en nous-mêmes comme une partie de notre être le plus profond, sans même y avoir jamais pénétré : le vol d’une colombe qui s’élève dans le ciel pur du soir a une actualité éternelle.

Revenir à Tamezret : nous y retrouvons le Berbère gardien de la tradition que nous avions rencontré il y a trois ans.

La même odeur de lentisque, à travers tous les pays qui bordent la Méditerranée.
Dans la médina de Sfax, avant l’annonce probable de l’Aïd el fitr, que la télévision officialisera à 20h30. Nous avançons à grand peine dans la cohue. Des monceaux d’ordures jonchent les ruelles et les passages couverts, cartons, sacs, papiers, poubelles éventrées, boîtes de soda, restes de nourriture, fruits, légumes. Une eau sale s’écoule paresseusement dans la rigole. Les prières jaillissent des mosquées, répercutées par l’étroitesse des rues et se mêlent aux effluves violentes, pourriture, encens, viandes, relents de laitages fermentés, parfums, odeurs du cuir tanné, des ferblantiers, bruits stridents, lumières aveuglantes, pétards, musique, rires…Nous nous réfugions au café Diwân.

A Douze, dans un décor années 30, les cascades de fleurs et les chants des oiseaux de l’hôtel Le Saharien. L’établissement est perdu au milieu de la palmeraie. Impossible de ne pas penser à Marguerite Duras…

Encore Duras : la Chine a inondé le marché tunisien du costume de coton léger avec col rond et boutonnage en passementerie : le lumpenprolétariat du Sahel s’habille de sa couleur qui se délave dans toutes les nuances de l’indigo.

Aïd el fitr ! Le mois de Ramadan s’achève enfin. Sur la route du retour vers La Chebba, de plus en plus de vêtements blancs à mesure que la nuit avance. Agneau du sacrifice : balayé par les phares de la voiture, le sol des boucheries, rouge du sang des animaux qu’on égorge pour les fêtes du lendemain. Les bêtes attachées assistent serrées l’une contre l’autre au spectacle, certaines de son issue.

Chez Ben Slimane : il me rase en accompagnant de son chant les clips d’Al Arabia que diffuse une télévision tonitruante tandis qu’un de ses copains dort sur le divan défoncé de sa boutique, le téléphone portable à la main.

Odyssées clandestines : ils viennent du Maroc, de l’Algérie, de la Libye, de l’Afrique noire et de Tunisie, se rassemblent au bord de la mer morte et font cap sur des embarcations de fortune vers Lampedusa, au large de l’Italie. Beaucoup disparaissent, noyés.

Vol Tunisair TU T30 Monastir Habib Bourguiba Paris Orly 5 novembre 2005


Jean Pierre Ablard

… et un grand merci à Habib !







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