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Carrières sur Seine, 78, France

samedi 5 novembre 2011

Turkish delights

Pour Pierre, dans un autre voyage...


Toutes les douceurs, toutes les lumières et tout le clinquant de l'automne d'Asie mineure dans l'éclat de l'été qui s'attarde encore et paresse en bordure de la Mer Egée et sur le littoral de la Lycie alors que la terre tremble encore loin vers l’Est, autour du Lac de Van…




Éphèse
Gardiens de l’éternité, les chats d’Éphèse, immobiles sur leurs colonnes de marbre blanc partagent avec nous la solitude de l’aube. Immobiles, ils sont partout, dans le temple d’Hestia, l’Odéon, sur l’Agora, la Voie Sacrée ou dans le Grand Théâtre, où Isabelle danse longuement sur scène face à quelques archéologues et aux 25000 âmes évanouies qu’accueillaient jadis les hauts gradins. L’entrée sur scène s’opère à travers un très étroit corridor, concentration extrême, avant de déboucher, expansion maximum, dans l’espace sacré du geste et de la parole. Les proportions y sont si justes, la protection y est si grande que tout se partage qui s’exprime sur scène ; le haut et le bas se fécondent, unissent en l’être humain sa part du ciel et sa part de la terre. Réconciliation : Éphèse et ses mystères du Logos toute entière dans ce pacte face à la mer!
Longue station dans les ruines de la Basilique du Concile où se rassemblent des orthodoxes russes le temps d’une célébration mariale : ballet des vêtements sacerdotaux jaune safran sur le gris cendre des pierres du VIIe siècle, piété des femmes agenouillées qui embrassent la terre, dont certaines prient en pleurant ou chantent avec le chœur des hommes.
Turquie d’Égée et de Lycie où cohabitent et se superposent mystères et croyances : culte d’Artémis, synagogues d’Izmir, l’ancienne Smyrne, basilique de Selçuk érigée sur la tombe de Jean l’évangéliste, théâtre où la foule hua Paul de Tarse, mosquée Isa Bey ou encore Dalyan et les antiques sépultures lyciennes sculptées dans la roche de sa falaise, dont nous découvrons l’accès guidés par trois ânes noirs et que survolent deux aigles. Dire encore Meryem Ana, dernière demeure de Marie et de Jean, où pèlerins chrétiens et musulmans se rencontrent dans la chapelle byzantine : « Mentionne Marie », dit la sourate du Coran, « qui quitta sa famille et se retira en un lieu vers l’Orient». Et l’Evangile d’ajouter : « Après cela, le disciple la prit dans sa propre maison »…
Paysages  
Vergers d’orangers, citronniers, mandariniers, grenadiers et pistachiers, haut cyprès sombres, mystérieuses allées d’eucalyptus, figuiers, pins au vert éclatant, bosquets de lauriers, et partout l’olivier, gris vert, brillant, roi de la Méditerranée.
Sur la route de Bodrum, nous croisons, remontant vers le Nord, les camions grillagés chargés du coton que des femmes au foulard blanc récoltent à la main et le bord des routes se jonche des fibres blanches et légères qui s’en échappent.
Denses roselières qui masquent le rivage à l’embouchure des rivières, orbe parfait de la plage de sable gris d’It Zuzu où viennent pondre les dernières grandes tortues marines, montagnes de granite, terres rouges et brunes, causses désertiques des hauts plateaux ou, comme à Kapikiri, l’antique Héraklée, entassements de roches roses qui bordent le paisible lac Bafa avec sa colonie de pélicans blancs et ses vaches, plus nombreuses que ses habitants, riche plaine littorale de Selçuk avec ses bougainvilliers et ses palmiers peuplés de choucas qui emplissent ruines et ruelles de leurs cris, que seul fait taire, cinq fois par jour, l’appel à la prière.
Plus loin encore, à Gökova, le plus pur de tous les paysages de la Méditerranée : cassias, tamaris, pins maritimes, roches claires, agaves, cistes et lauriers, broussailles odorantes, absinthes, géraniums, cyclamens et griffes-de-sorcières en surplomb des eaux turquoise, le paysage classique du Camus de Noces, une terre « habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. À certaines heures, la campagne est noire de soleil. ».         
Pamukkale, où la nature sculpte depuis des millénaires des vasques de travertin étincelantes de blancheur grâce aux sels calcaires des sources qui dévalent de la crête du plateau en haut du village, eaux glaciales aux pieds nus pour ne pas dégrader le site quand se lève le jour en bas de la colline et de plus en plus chaudes à mesure que nous progressons vers le sommet. Joies d’enfance dans cette blancheur, dans l’innocence d’une neige minérale sous le ruissellement joyeux des eaux vives.
Paysage urbain de Bodrum où ville et mer se rencontrent au bord des deux baies jumelles de l’ancienne Halicarnasse, que sépare l’éperon rocheux du fort antique face aux cubes immaculés des maisons étagées sur la colline…

Petits métiers

Cireurs de chaussure usés par le travail quotidien dans la chaleur ou le froid, chaudronniers des souks, porteurs de « çai » des rues et des bazars, marchands ambulants de riz, moules et simit, tailleurs, vendeurs de maïs grillé, paysannes qui nous voient venir de loin et se ruent sur nous dans l’espoir de nous vendre quelques babioles, cordonniers de Mugla comme, à l’entrée du souk des chaudronniers, ce vieil homme qui élève dans sa minuscule échoppe plus d’une centaine d’oiseaux chanteurs, cantonniers, bergers, paysannes des marchés pliées vers la terre, vachères, vendeurs de jus d’oranges et de grenades pressé sur place, vieilles femmes qui proposent leurs raisins secs, gamins des rues porteurs d’une balance dans l'attente des passants désireux de se peser, matrones en costume anatolien qui cuisinent à même le sol devant un four de pierre, barbiers aux mains desquels je m’abandonne pour une poignée de livres turques, et quelque part dans les montagnes du Taurus, cet homme qui prépare sur un poêle à bois, au bord de la route, un thé délicieux…


Trop d’avoine fait crever le cheval…
dit le proverbe turc : cuisine généreuse, concombres au goût de fruit, raisin noir et parfumé, belles citrouilles, délicates pâtisseries aux noix, amandes, noisettes et pistaches, et un peu partout, les pavillons de thé à la mode anatolienne, banquettes couvertes de kilims, débauche de tapis et coussins sous un toit en laine de chameau, comme en contrebas de la Grotte des Sept Dormants de Selçuk. Mets simples et forts, ayran, yoghourt battu de sel et d’eau, ou gözleme, crêpes farcies d’un fromage acide et parfois d'herbes sauvages, pide, jus de grenade âpre et parfumé, thé rouge partout présent, café très sucré et épais, vigoureux poivrons, confiture de citre, miel, soupes de lentilles, chapelets de piments ou d’aubergines qui sèchent au soleil, sumac, kebabs, loukoums, baklavas fondantes du café de Pervin Teyze dans les hauteurs d’Heraklya…    
Arrêt sur image 
Dernier jour, dernière heure, retour à Selçuk, notre belle porte d’entrée pour ce voyage, et course contre la montre sur la route toute droite d’Éphèse vers le rivage, où le soleil incendie violemment le ciel puis plonge lentement dans la mer. Apparaît alors un croissant de lune finement ciselé, d’abord pâle puis étincelant. Incendie du ciel, souvenir de l'envieuse jalousie des dieux, de l'incendie du Temple d'Artémis le jour même où le grand Alexandre venait au monde en Macédoine, désormais porteur d'une Ephèse intérieure qu'il tenta d'agrandir jusqu'aux confins de l'Asie... Puis parfait moment d'équilibre entre le jour et la nuit. Montent alors  alors les étoiles. Éphèse somptueuse dans ce double mouvement du ciel vers la terre et de la terre vers le ciel…  









Saint-Prex, Suisse, 1 novembre 2011         





mardi 2 novembre 2010

Atmosphériques

Quatre jours dans le chalet d'Isabelle au bord du Lac Léman, dans la magie suspendue d'un splendide automne...
Un balcon sur le lac: 28 octobre, 18 heures
Puissantes montagnes blanches et bleu acier des Alpes au fond du ciel ivoire, miroir de l'eau, métal blanc en fusion sous les brumes légères qui montent de la surface des eaux calmes, oiseaux, cygnes, ors du soleil dans la lumière de l'automne, transparence bleutée de l'eau sans autre couleur que les blancs purs, les gris, les bleus délavés, l'or.
Fujiama: 30 octobre, 13 heures 25
Un brouillard ivoire s'élève lentement depuis le matin, qui masque les monts, à l'exception d'un sommet bleu noir strié de neiges blanches étincelantes dans le soleil.
Voiles: 30 octobre, 17 heures
Or bleu au coeur des eaux, voile blanche en un triangle très pur et, sur le miroir du lac, son double légèrement arrondi, minuscule et suffisante alliance de l'air et des eaux.
Haïku: 30 octobre, 18 heures 39
Ors ultimes du soleil, écharpe de brouillard en un léger voile, que ponctue un bref instant un vol de canards noirs, droite horizontale et mouvante, seul élément mobile de la scène.
Matins d'oranges: 31 octobre, 8 heures 03
Gris bleutés sombres légèrement violines du ciel sur l'eau noire, que caressent de fins lambeaux de brume blanche. L'est se réchauffe d'éclats orangés, incendie le ciel de vermillons violents au-dessus des montagnes dressées devant un voile turquoise. Puis tout s'atténue, la scène se déplace vers l'ouest où de légers nuages s'habillent de jaune pur avant que les gris pâles ne s'installent. Monochromie. Heureux de nous être levés tôt: Morgenstund hat Gold im Mund.
Grisaille: 31 octobre, 11 heures 02
Lumière blanche, miroir d'argent éblouissant du ciel et de l'eau, que divise la sombre masse des monts de part et d'autre de la ligne du rivage.
Outre-noir: 31 octobre, 0 heure 16
Monts évanouis, nuit sans lune, obscurité des flots et du ciel d'ébène, scintillement des guirlandes de lumières françaises qui ceinturent le domaine des eaux.
1 novembre 2010

dimanche 15 août 2010

Slow Life ou les riches heures de Crète

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Pour Dani Ruelland

Aubes: Vent de mer qui balaie la vaste cuve d’outremer, froissement des palmes, odeurs poivrées des épineux, parfum sec d’invisibles immortelles et senteurs plus sucrées des lauriers roses, fièvre des cigales au bord de la crise de nerfs dès les premières lueurs. L’air est déjà chaud et le ciel plombagine s’éclabousse de jaune et d’orange. La lumière souveraine monte rapidement le long des façades des maisons, déjà s’impose, et la Crète passe en quelques secondes de la nuit au jour.

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Villages: Géométrie des cubes de pierre ou de béton badigeonnés à la chaux, calades de galets ou de ciment éclatées sous la poussée des figuiers, arches, venelles, escaliers, corridors de vent, silence. Les vieilles portes de bois à la peinture rongée par la lumière sont rapiécées de pièces de métal et tôles de bidon au timbre des grandes marques d’huiles pour moteur. Quelques poules, des chats faméliques et craintifs, quelques vieillards, une vie minuscule. Au pied des villages, une autre vie, dans les potagers où prospèrent aubergines, fenouils, courges, poivrons, tomates, choux verts, fèves, amandes, raisin, pêches, arbouses, grenades, oranges, cédrats, mandarines et caroubes et les belles pastèques entassées en pyramide dans le parfum du basilic, de l’hélicryse et de la lentisque.

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Icones: Livres d’images des monastères et des petites églises blanches. A Fanéroméni, derrière un vase de fleurs fraiches, un panneau de bois peint : Adam reçoit le souffle divin, épais trait blanc qui relie ses lèvres à celles du créateur qui prend le pouls du premier homme comme pour vérifier la validité de son pneuma ! Les riches heures du jardin d’Eden battent déjà dans le vert du premier plan. Plus haut, le panneau de l’Annonciation, presque entièrement occupé par l’ange et son geste somptueux : « Je t’adresse un message ». Tout à côté, la Dormition de la vierge, étendue comme sanglée sur un lit, entourée de tous les saints et les prophètes et déjà présente, petite, emmaillotée, dans la main du père céleste. Le panneau est entièrement couvert de gris et de blancs que rythme, seule couleur, le doré des auréoles.

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Kafénéion: Le kafénéion idéal est celui du balcon sur la mer, celui de la treille où murissent les lourdes grappes de raisin vert, celui de la table carré et des quatre chaises paillées sagement rangées autour, celui des jarres de hauts basilics, celui du café oriental, du verre d’eau fraîche et du sirop d’orgeat. Dans les gros bourgs endormis des campagnes, les tables des kafénéions débordent des trottoirs jusque sur la chaussée. Les hommes passent d’un café à l’autre, d’un côté de la route à l’autre, au hasard des conversations et des événements du jour en agitant entre leurs doigts les perles d’ambre, de métal ou de plastique de leur komboloï. Les femmes se rassemblent entre elles devant les maisons, éternellement grecques dans leur strict habit noir.

oratoire, plateau d'Omalos et montagnes blanches

Routes: Routes nationales de bitume, voies désertées plus modestes des campagnes, chemins de ciment blanc des oliveraies, sentiers âniers au surplomb des rivages, pistes que les pick-ups des bergers noient sous la poussière, sentes caillouteuses… toutes ces voies sont parsemées de petites églises de pierre ou de plâtre de la taille d’une maison de poupées qui perpétuent, à l’endroit de leur décès, la mémoire de ceux qui sont morts en chemin. A l’intérieur, derrière la porte vitrée, une petite icône, un peu d’huile et quelques mèches de coton offertes au passant désireux de raviver un instant leur étoile.

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Berger: Il remonte avec ses moutons le vallon qui surplombe la route d’où nous admirons la fin du jour. Un signe amical, il vient vers nous et nous parle en grec puis dans un impossible allemand de ses 5O bêtes, de ses 84 ans, de ses 19 frères et sœurs avant de nous demander de poser pour nous sur une photo qu’il nous fait promettre de lui envoyer à l’adresse qu’il griffonne avec peine sur mon calepin. Vassili, c’est son nom, se décoiffe et pose fièrement devant l’objectif, puis nous embrasse, nous serre les mains et retourne à ses moutons, joyeux.

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Mer: Rivage de galets blancs, étincelants et dans la brume de chaleur qui couvre l’horizon d’opale, les côtes invisibles de la Lybie. Mer déserte sans voile ni pêcheur, désert d’outre-mer : la Crète demeure jusqu’à ce seuil omniprésent une terre résolument continentale dans l’odeur chaude des pierres et des villages accrochés au flanc des collines et des montagnes que protège et régente la déesse-mère aux bras tendus autour desquels s’enroulent des serpents. Elle est mère du foyer, de la fertilité, maîtresse des régions souterraines et gardienne des morts. A ses côtés, le Minotaure, le cauchemar de l’homme-taureau. Passé ce seuil, l’île bascule dans les domaines de l’air et chante Icare, que Jacques Lacarrière nomme « le premier homme oiseau » : fils de Dédale qui fut l’architecte du Labyrinthe, l’anti-Euclide, l’inventeur des tracés méandriques et du plus long chemin possible entre un point et un autre, Icare est le prince des lignes droites et du plus court chemin entre la terre et le ciel. Icare vit dans cette lisière opaline entre terre, ciel et mer, il est l’autre Crète, celle de la mer, l’île qui devient île quand on s’approche de la mer et qu’on se cherche dans l’inconnu.

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Crépuscule

Un peu plus tard, le cadeau de la nuit au jour : la journée s’achève dans l’émerveillement nocturne comme elle a commencé dans l’enchantement de l’aube. Un lent crépuscule dore les monts et incendie d’ocre jaune les coussins d’épineux brûlés par le soleil avant de déployer l’ombre bienfaisante qui s’accroche aux villages et monte vers le dernier sommet. Le soleil achève enfin sa course. Les risées se succèdent, qui moirent l’eau venant du large et la mer soudain s’obscurcit et devient verte dans le bruit d’osselets tout le long du rivage quand la vague désormais invisible se retire. Le ciel se frange d’un éclat bleu pâle à l’ouest et d’un bleu de plus en plus sombre à l’orient. Déjà les étoiles scintillent et la nuit somptueuse célèbre son mystère sous les premières constellations.

Jean Pierre Ablard, Aurel, le 15 août 2010

vendredi 1 janvier 2010

O miradouro de Lisboa

Rua do Corpo Santo: masse noire d’une église désaffectée aux gouttières hautes que défoncent de grands arbres encore verts. Tout près, ouverture sur le Tage et l’espace maritime au bout d’un belvédère de marbre aux senteurs marines: une vieille gare blanche à l’allure mauresque, une esplanade ourlée d’un balcon et quelques larges marches aussi belles qu’absurdes vers les eaux opales du Tage.

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Alfama (Lisbon-story): balcons surchargés de décorations de Noël et de fleurs artificielles aux tons délavés, venelles, volées d’escaliers, passages voutés, arches, dédales de ruelles en pente, enchevêtrement de vieilles demeures aux façades ornées d’azulejos, cours intérieures, fontaines, jardinets, patios, vieillards, treilles, citronniers et orangers, palmiers, parmi lesquels circule le tram 28 aux tôles jaunes qui brinqueballent, tout de cuivre et de bois blond, dans le crissement des freins. Miradouro de Santa Luzia: de temps à autre, une place en balcon sur la ville ou le Tage, loge d’un théâtre baroque devant un immense espace de lumière qui s’ouvre soudain...

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Au musée du fado, musique triste et retenue de ce blues de Lisbonne, voix et images des chanteurs qui l’enchantèrent dans l’Alfama ou la Mouraria, les vieux quartiers populaires, jusqu’à ceux qui le réinventent aujourd'hui…

Pavés de basalte gris des chaussées et mosaïque monochrome de calcaire blanc crème des trottoirs, miroitants sous la pluie, rutilants sous le soleil, sol souple, jamais tout à fait plan des rues et ruelles. Les trottoirs des quartiers plus cossus se parent de motifs géométriques ou marins, poulpes et sardine,étoiles, caravelles et croix…

Vers Estoril, le long des hautes falaises battues par la mer face à l’Atlantique à travers des forêts de pins parasol et d’eucalyptus; Praia do Gincho, immense plage très plate aux subtiles couleurs sable et outremer; retour vers Lisbonne par la route côtière bordées de villas fin de siècle. Plus bas, vers les docks, architecture industrielle de briques le long de l’embouchure du Tage…

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Noëls: Noël paisible au Bairro alto où il fait bon flâner dans la douceur de la nuit et passer d’un Noël à l’autre, par le petit funiculaire de Bica, vers la ville basse; Noël à Baixa et cloches de la cathédrale toute proche, Jingle bells et Douce nuit, dont les battements se répercutent sur les azuléjos des façades des hautes demeures, envahissant le matin frais; Noël à la pâtisserie de Belém, devant un pastel de nata, petit flanc rond emmailloté comme un Jésus dans la crèche dans une pâte feuilletée tiède et craquante sous le voile de cannelle qui se mêle au parfum du galao; Noël des galettes des Rois et Reines fourrées de fruits secs et confits; Noël des crèches, partout dans la ville…

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Piété populaire: dans chaque boutique, vierges de Fatima, jaunes, roses ou mauves, phosphorescentes sans doute, Saint-Antoine plus sobres mais du même plastique, chapelets, boules de verre avec pluie de paillettes sur la grotte de Bethléem, crucifix dorés… Plus bobo, plus chic, plus cher, un petit santon de terre du XVIIIe que nous marchandons chez un antiquaire: il a perdu une jambe mais garde dans sa façon d’ôter son chapeau qu’il présente devant son cœur une touchante humilité…

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Extrémité sud-est de l’Algarve: Tavira, la ville blanche au jour qui fuit dans la tiédeur. Magnifique jardin encore fleuri au pied de l’église sous la protection des remparts du château, calades bordées de maisons basses aux toits en biseau, charme désuet des quais, langueur océane de la rivière qui paresse jusqu’à la lagune… En bordure de l’océan, de Sagrès à Odeceixe, lande sauvage que balaient pluie diluvienne et vent violent; dans l’attente de leurs fleurs, l’odeur sucrée et épicée des cistes; vagues sauvages sous la falaise aux tons rouges; plus loin vers le nord, chênes-liège, eucalyptus, pins parasol; autour des fermes un palmier, un oranger, un citronnier, quelques porcs ou moutons…

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Crachins, averses, bourrasques de vent lourd d’embruns, pluies violentes, rivières en crue, flaques, éclaboussures, humidité des chambres sans chauffage, champs inondés, giclées brutales sous les roues des voitures, atmosphère pourtant chaude et l’envie que se prolongent ces moments où le ciel soudain bleu redonne à Lisbonne son charme languissant!

Lisbonne, 31 décembre 2009

vendredi 6 novembre 2009

Un été de la Saint Martin...

L'automne s'offre à chaque seconde dans le rutilement de ses ors.
Sur les côteaux de Aesch, sous le soleil de la fin du jour entre les lignes des vignes dont quelques lourds grains bleus pourrissent lentement sous les feuilles mordorées au dessus des vallons déjà pris par l'ombre du soir.

Au loin, vers l'est, sous le Gempen, l'imposante masse du Goetheanum se détache devant les hêtres en feu des collines d'Arlesheim. L'air est chaud, les soleil aveuglant ne semble pas vouloir céder un pouce de sa course. Comme dans le poème allemand, "tu verras bientôt le monde assourdi couler sous l'or chaud dans la force de l'automne..."

La maison d'Albert Steffen, grande demeure surmontée sur la droite d'une coupole en forme de bulbe. Vie vaste et riche derrière la patine des volets de bois d'ombre rose, les murs pâles, le vert de gris de la coupole. Dans le jardin, entre les vieilles barrières de bois moussues, l'automne explose une dernière fois dans le mûrissement des roses tardives, des asters et des cosmos qu'Albert Steffen entretenait si souvent de ses défunts. Au seuil de l'entrée, comme un gardien du seuil, un érable rouge: Geisterwachen!

De la montagne du Belchen, en Forêt Noire, vue magistrale sur les Alpes cristallines dont les pieds se noient dans la brume bleue, la plaine de Bade et le Feldberg, assemblage de mélèzes jaunes et de pins noirs. Le vert des pâtures prend des teintes printannières à la lisière des forêts sombres et denses. Ciel immense, fils de lumière.

Visite de la petite chambre rouge si sage et si sobre d'Assja Tourguenieff au 30, Rüttiweg: rouge sombre les murs et le plancher. Une petite armoire, un bureau, et pour seuls objets trois anciens cartons à dessin et une centaine de fusains originaux, de belles illustrations du Conte du serpent vert et du beau Lys. Sur le palier, aussi sobre, aussi sage, la chambre d'Edith Maryon, bleu foncé du sol au plafond. Deux cellules où se concentraient les forces de la pensée créatrice. Flots de lumière doré de l'autome par les fenêtres.

Les petites vaches frisonnes du Goetheanum meuglent sous leur grand frère, le sphinx de béton gris de la chaufferie: même gris, même formes rondes.

Soirée de Lieder à la Rudolf Steiner Halde, avec Marion Ammann dans l'ambiance des défunts et de l'automne: Schumann/Eichendorff, Liederkreis Op. 39: "Wie bald, ach wie bald kommt die stille Zeit, da ruhe ich auch und über mir rauschet die schöne Waldeinsamkeit und keiner kennt mich mehr hier..."
Archives d'Ita Wegman, dans l'ancienne véranda de son grand chalet de bois d'Arlesheim face à un maître hêtre, solitaire et somptueux, qui illumine les boiseries de la grande pièce. Ambiance retenue et feutrée d'une maison que peuplèrent tant d'esprits. Dans son album photo, Londres, la Grèce, l'Italie, l'Egypte, la Hollande, Paris...

Le vent a balayé les feuilles des arbres en une nuit, qui jonchent à présent les rues, derniers reflets de l'été sur l'asphalte et la terre des chemins. Une pie se baigne au soleil dans une ancienne auge de pierre et s'envole brillante, les plumes bleu noir aux reflets d'argent, qu'elle va sécher dans un arbre doré. Eté de la Saint Martin...
Dornach, CH, novembre 2009

dimanche 5 avril 2009

La mendiante de la Sublime Porte

Elle a tout connu…
Domaines de l’air bruissant d’échanges incessants, cornes des vapeurs, cris des marchands, crissement des pneus, cloches des trams, klaxons, moteurs, éclats de voix, musique, que domine – et le temps un instant se suspend – implacable, l’appel à la prière aux mille échos qui se réfractent, s’éparpillent et se mêlent déjà aux éclats d’argent des eaux sombres, rumeur mouvante sur les ailes du vent…
Domaines de l’eau au même appel pressant. La ville éclaboussée sur les collines s’ouvre brusquement sur les gris d'argent de la Corne d’Or ou s’épanouit aux pieds du Bosphore d’or bleu que sillonnent bateaux, goélands et dauphins. Eaux des pavés mouillés de pluie, eaux des hammams, claires dans les vasques de marbre, laiteuses dans les rigoles du sol, eaux vives des fontaines, eaux brillantes des matins, eaux ternes, usées, empoisonnées, eaux noires de la nuit et des citernes basiliques où flottent, placides, d’énormes carpes, eaux vertes et bleus des Îles aux Princes et des pêcheurs au coude à coude du Pont de Galata, chacun dans un lien minuscule entre l’eau et la ville, qui tous ensemble forgent leur alliance.
Domaines de la terre où l’architecte jadis força la pierre à s’asseoir en basiliques et mosquées dont les pierres se diluent peu à peu et s’incorporent au ciel dans le jaillissement des fins minarets. Le zinc épais des coupoles qui gante aussi la pointe fine des minarets évoque encore cette pesanteur terrestre enfin vaincue sous le ciel immense tandis que l’espace se dématérialise sous les coupoles et s’allie à la transparence de l’air. Pierres des murailles de la vieille Byzance, pierres blanches des tombes et des palais de Constantinople, pierres en déshérence d’Istanbul, pierres des pavés, des redoutes oubliées et des effleurement rocheux du Nord du Bosphore où les deux continents tentent désespérément de se toucher
Domaines de la lumière dans les ors somptueux du ciel, le rutilement des bazars, le scintillement des néon, le clinquant de la pacotille, les pampilles des lustres des palais où les hirondelles revenues réinventent leur espace de la belle saison.
Elle a tout connu…


Elle a sur elle la poussière des routes des Kirghizes, des Kurdes, des Khazars de Crimée, des juifs convertis à l’islam après les massacres de 1941, des Arméniens survivants des massacres de 1915, des Serbes, Albanais, Bulgares, Monténégrins, Roumains, Ukrainiens, Georgiens orthodoxes, Turcs balayés par l’histoire, gitans, populations précarisées, lambeaux d’une Europe en lisière de celle qui se joue plus à l’Ouest et qui sans doute ne se fera jamais pour eux.
Et soudain la voici, devant le pont de Galata, face à la ville sûre de sa beauté. Je la vois, que je suis déjà à travers le flot des voitures, antique, fière, que je reconnais à ses loques, à ses membres cassés, à son regard. Mendiante, reine des mendiantes, leur mère de toujours. Elle vit dans la ville et par la ville : elle est eau, vent, terre et lumière, a traversé le temps, un bref instant surgie de la ville qui déjà l’engloutit, elle que je perds enfin dans le chaos de la circulation….

1 avril 2009, altitude 22.500 pieds, entre Istanbul et Paris

dimanche 1 mars 2009

CH 4143 -Dornach

Premier Goethéanum
Nombreuses heures au Goetheanum, désert ou presque en cette période : seul, avec Isabelle, sans elle lorsque ses cours la retiennent à Aesch, avec Thomas et Sandy, venus pour quelques jours de Berlin, lors de visites guidées, à travers les témoignages que présente la Maison Duldeck, face à la grande statue du « représentant de l’humanité », dans la lumière souvent pâle, terne, sans autre relief que celui qu’offrent les brèves trouées de ciel bleu ou de courtes apparitions de la lumière du soleil en ces jours au cœur de l’hiver tandis que le carnaval se prépare à Bâle et déjà bat son plein dans les villages aux alentours.

Glashaus

La première version du Goetheanum semble parler davantage à l’âme, tout particulièrement à travers le motif de la rencontre avec les autres ; aux temps anciens, Hiram avait appelé les êtres humains à construire le grand temple des mystères qui les rassemblerait. Lors de la première guerre et plus tard, de 1913 à 1920, des représentants de 17 nations ennemies se rassemblent autour de Rudolf Steiner, dans un geste libre, un geste d’amour qui dépasse les antagonismes et les conduit à édifier la « Maison du Verbe ». La provenance des matériaux utilisés témoigne de ce même souci de rassembler: ardoises de Norvège, bois de charpente d’Allemagne, verre teinté de France, etc. Mission : manifester les forces créatrices en un lieu offert à l’être humain afin qu’il s’y reconnaisse et s’y expérimente dans son lien aux forces de l’esprit.
Née des cendres de l’incendie du 31 décembre 1922/1923, la deuxième version du bâtiment (1924) semble s’adresser davantage à la conscience. Ce qui frappe : les petits détails, les grandes choses. Effort pour monter au sommet de la colline, effort pour ouvrir les hautes et lourdes portes de l’édifice – nul ainsi n’y entre par hasard – efforts immédiatement compensés par le sentiment de pénétrer un espace aux dimensions de l’être humain, comme si cette partie de soi-même projetée dans l’espace et les formes architecturales organiques éveillaient la conscience de soi et l’équilibre : je suis ici chez moi. La dynamique intérieure qui saisit, anime, plie les formes en béton, le message des masses compactes qui structurent l’espace, les jeux plastiques de la lumière et de l’ombre des escaliers monumentaux, la retenue extrême des couleurs – les blancs, les gris, les noirs – avant l’imposante évidence du grand vitrail rouge de la façade ouest, la rugosité des murs, la transparence du verre, la patine de la pierre, tout ceci éveille l’habitant de ces lieux à lui-même, à la présence, à l’évidence de son appartenance à ce monde terrestre pénétré des forces de l’esprit.

Motif de la coupole du premier Goetheanum, Faust

L’évolution des formes entre les deux versions du bâtiment témoigne d’un génie créatif peu commun. La première bâtisse est constamment présente aujourd’hui malgré son évanouissement matériel, dans la transparence des expériences du présent. Le deuxième Goetheanum inclue dans ses volumes le premier, à la façon dont une expérience enferme le souvenir d’une autre. Quant au bois si librement travaillé de la Maison du Verbe, je le redécouvre, après tant de visites en ce lieu, omniprésent dans les empreintes que le coffrage a imprimé sur le béton laissé brut : la matière minérale de l’édifice est protégée par cette empreinte, cette trace de la vie éthérique du bois sur le béton brut de coffrage. Passé et présent encore dans cette remarque d’un jardinier qui trouve, remontés à la surface de la terre, des éclats des premiers vitraux explosés, fondus sous la violence des flammes de l’incendie…Passé et présent toujours dans la proposition muette faite à chacun de reconstruire intérieurement formes et couleurs de la première version : chacun peut ainsi devenir l’architecte de la « Maison du verbe » ! Premier Goetheanum, escalier ouest


Autre lien entre le passé, le présent et l’avenir de l’édifice, la statue de bois du représentant de l’humanité, comme le couronnement de l’impulsion de Dornach. Elle indique le travail de conscience à accomplir entre les forces du haut et du bas, Lucifer et Ahriman, les indispensables adversaires. L’équilibre que proposent le visage et le geste de la figure centrale s’impose comme le résultat d’un cheminement excluant toute concession, une évidence que souligne aussi le mystérieux sourire de « l’humour des mondes » qui étend ses ailes tout en haut de l’œuvre.

Représentant de l'humanité, étude

Dans la menuiserie, qui abrita des flammes la sculpture inachevée : émouvant espace de travail et de collaboration entre artistes, pionniers de l’esprit à l’aube du dernier siècle, jeunes hommes et femmes du monde entier, visionnaires.


Dans le bosquet du souvenir, un corbeau hyperactif s’affaire à fouiller la terre. Sait-il au moins les cendres qu’il remue ainsi tandis qu’à une portée d’ailes des hauts pins, le grand sphinx de béton qui surmonte la chaufferie tourne son impassible regard vers le sud… ?

La présence chaleureuse et toujours joyeuse de Thomas et Sandy colore toutes ces expériences de beaucoup de fantaisie. Nous passons ensemble un moment en Alsace : Colmar, courte excursion dans la vallée de Munster, Kaysersberg, Ribeauvillé, restaurant alsacien, choucroute, tarte flambée, bière, vin d’Alsace, jeux, plaisanteries et vraies cigognes en bordure de route.

Autres expériences fortes dans ce temps d’avant Pâques : la visite du retable d’Issenheim et le génie de Mathias Grünewald. Postures absolues de l’effroi : Marie et Jean sous la croix, la torsion des mains de Madeleine, son visage de la prédelle rougi par les larmes, déformé par la douleur, les souveraines ténèbres qui supplicient jusqu’au paysage en arrière plan, les mains du Christ comme un cri d’horreur qui pourtant accepte et cet agneau dont le sang coule dans le vase, cet agneau blanc… Le blanc, en ses significations plurielles, qui relie les différentes parties de l’œuvre : blanc tout de pureté de l’agneau, blanc de la colombe de l’Annonciation dans la froide lumière qui baigne la scène, blanc du lange en lambeaux dont Marie entoure son fils et qui deviendra le perizonium autour des reins du crucifié, blanc du voile de Marie sous la croix, futur linceul qui s’irise sur un autre panneau en une diagonale bleutée jaillie du tombeau et se résout enfin dans la polychromie de la résurrection… Au fait c’est quoi un chef d’œuvre ?
Rheinfelden, le soir : un complexe de bains né d’une eau de source saline. Nous flottons dans une détente musculaire totale dans l’eau d’un bassin dont la teneur en sel est proche de celle de la Mer Morte puis nous alternons des séjours dans des cuves à 40 et 15 °. Un bain en plein air sous les vapeurs que dégage l’eau chaude précède une séance de douche dans diverses ambiances : douche tropicale, avec pluie diluvienne tiède, tonnerre, effets de lumière, de fin d’orage, grosses gouttes qui s’écrasent lourdement sur la peau et retour au silence ou cascade de haute montagne, avec rochers, violence du jet glacé irrégulier, fracas de l’eau sur les pierres glissantes, etc. Une fois les voies respiratoires bien dégagées grâce à des séances de nébulisation aux huiles essentielles (menthe, citron), la visite se termine dans le secteur naturiste : hammam avec ciel bleu profond et étoiles qui scintillent ou sauna finlandais avec cheminée centrale (108° tout de même !), douches froides, bain de pieds bouillonnant bien chaud puis détente alanguie dans le silence total sur des pierres chaudes devant un aquarium où évoluent lentement d’énormes carpes couleur ardoise : à deux doigts du sommeil, elles fascinent !

Gempen, au dessus de Dornach et enfin de la lumière : la neige encore, qui persiste sous un grand ciel bleu, des failles rocheuses, des éboulis, des falaises qui répondent dans leurs lignes aux formes organiques des bâtiments de la colline de Dornach.

Alain Tessier séjourne quelques jours à Dornach. Son arrivée coïncide avec la cérémonie donnée dans la Grundsteinsaal pour l’anniversaire de la naissance de Rudolf Steiner : eurythmie plutôt convenue, beaucoup de jeunes dans la salle, on aurait imaginé pour eux quelque chose de plus pétillant… Allocution de Sergeï Prokoviev sur l’intelligence cosmique et la façon dont l’homme s’en saisit avec l’aide de Michael dans le penser.
Ces paroles de Prokoviev trouvent le lendemain un écho inattendu dans le visage de Kate Winslet que filme Stephen Daldry d’après Le liseur, roman de Bernhard Schlink : une femme mystérieuse, beaucoup plus âgée que l’adolescent qu’elle initie le temps d’un été aux jeux de l’amour, disparaît brutalement. Son amant la retrouve plusieurs années plus tard, rattrapée par son passé : surveillante à Auschwitz, elle s’est faite l’instrument scrupuleux de la barbarie dans le refus de penser son destin personnel, puis s’est réinsérée, analphabète, privée de tout accès à la culture, dans un silence qui la paralyse, que seul brise cet été d’amour d’après guerre avec l’adolescent qui lui lit Lessing, Homère ou Tchekhov. Condamnée à la prison à vie, elle trouve enfin la rédemption dans l’exercice du penser que lui offrent l’apprentissage de la lecture et l’accès à la culture. Penser pour comprendre, refuser l’inacceptable et pouvoir dire pardon.

Départ de Dornach, juste avant la floraison des cerisiers dont les bourgeons lentement se gonflent. Fin croissant de lune à l’ouest, couché sur l’horizon des collines, sur lequel Vénus un moment se pose, très brillante. Au matin, jaillissement blanc argent d’un immense bouleau sous le ciel très bleu.